ESPAGNE: LE CONCORDAT RESTERA EN VIGUEUR
Malgré la pression de l'opposition socialiste, le gouvernement conservateur de Manuel Rajoy a annoncé qu'il n'avait aucunement l'intention de dénoncer le concordat de 1979. Cet accord entre l'Espagne et le Saint-Siège permet à l'Eglise espagnole de ne pas payer l'IBI, un impôt foncier: le texte prévoit en effet "l’exemption totale et permanente de la contribution territoriale urbaine pour les temples et chapelles destinés au culte", ainsi que "la résidence des évêques, des chanoines et des prêtres", mais aussi "l’exemption totale et permanente des impôts réels ou de produits sur la rente et sur le patrimoine".
> Dans une Espagne en proie à la crise, ce "privilège" passe fort mal - bien qu'il soit en réalité une "reconnaissance fiscale" du travail caritatif de l'Eglise et que des exemptions similaires existent pour les autres religions qui utilisent leurs biens immobiliers à des fins non lucratives - surtout depuis que le très catholique Mario Monti, le chef du gouvernement italien, a supprimé une exemption foncière du même type en Italie. Mais l'Espagne se heurte à une difficulté que les Italiens n'ont pas eue: dans la péninsule ibérique, l'exemption fiscale partielle de l'Eglise est une conséquence du Concordat de 1979, alors que l'exemption italienne dépend d'une loi sur les fondations. Ce qui signifie que le modèle espagnol serait beaucoup plus difficile à casser juridiquement, puisqu'il s'agit d'un accord bilatéral entre deux Etats souverains, et non d'une simple loi que l'on peut faire ou défaire à la chambre des députés.
> Les socialistes espagnols le savent bien, et ont beau jeu de dénoncer aujourd'hui qu'ils sont dans l'opposition un concordat auquel ils se sont bien gardés de toucher quand ils étaient au pouvoir. La part de financement public de l'Eglise a même augmenté significativement sous le mandat du socialiste José Luis Zapatero, passant de 0.5% à 0.7% du budget espagnol.
> Quant aux autres confessions religieuses, elles ont pris la défense de l'Eglise catholique. Isaac Querub, le président de la Fédération des communautés juives, s'est montré "surpris de ce que l'on ne demande qu'à l'Eglise" de payer l'IBI et pas aux autres religions. "Nous sommes contre le fait qu'il y ait des privilèges accordés à l'Eglise seule, mais nous sommes également contre le fait de ne désigner que les catholiques dans cette histoire d'IBI", a renchérit le président de la Fédération évangélique. Même son de cloche du côté de l'Union des communautés islamiques d'Espagne, qui craignent une dénonciation similaire de l'accord de coopération signé entre son instance et l'Etat espagnol.
> Mais au-delà du jeu habituel des partis politiques, prompts à se renvoyer les patates chaudes, la question reste brûlante. L'association laïque Europa Laica a chiffré à trois milliards d'euros le manque à gagner pour l'Etat espagnol chaque année à cause du concordat. Un chiffre difficile à vérifier, et bien en-deçà des 20 milliards d'euros que l'Eglise évite à l'Etat de payer grâce à son action caritative, mais qui est dans bien des têtes espagnoles, juste à côté du chiffre du taux d'endettement de l'Etat.