Gédéon
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| Sujet: Après un an de Covid, l'alcool est le grand gagnant des addictions" Jeu 18 Mar - 18:43 | |
| Georges Brousse, psychiatre : "Après un an de Covid, l'alcool est le grand gagnant des addictions"
Peur d'être contaminé, chômage, confinement ... Un an après la première vague, le terreau reste favorable aux addictions et notamment à la consommation excessive de boisson.
[size=10][size=10]Au cours de l'année écoulée, les addictions à l'alcool ont progressé au sein de la population française afp.com/PASCAL PAVANI[size=13]Par Sébastien Julianpublié le 18/03/2021 à 09:00 , mis à jour à 15:58[/size] [/size][/size] George Brousse, chef du service d'addictologie du CHU de Clermont-Ferrand, est un observateur privilégié de nos comportements compulsifs. Il reçoit dans son service les autres malades du Covid : ceux qui ont un problème avec l'alcool, le tabac ou l'héroïne. Pour L'Express, il revient sur la situation de ces Français qui ont perdu pied à l'occasion de la pandémie. L'Express : L'épidémie n'a pas seulement infecté beaucoup de Français avec un virus. Elle a aussi favorisé les addictions. Quelles sont celles qui ont le plus progressé en un an ? George Brousse : Vous avez raison, l'épidémie a été propice à la montée des addictions. La peur d'être contaminé ou de voir ses proches l'être, le confinement, la perte d'un emploi ou la diminution des revenus... Tout cela a contribué à l'augmentation de la consommation de substances psychoactives et notamment de l'alcool. Celui-ci est en quelque sorte, le grand gagnant des addictions. D'abord en raison du stress lié à la pandémie. Lors de la première vague, des gens qui étaient stabilisés, qui avaient réussi à mettre l'alcool à distance, se sont retrouvés du jour au lendemain confinés chez eux sans emploi ou au chômage partiel. Sans surprise, une partie d'entre eux a rechuté. La consommation d'alcool reflète aussi notre besoin de relations sociales, même à distance. Souvenez-vous, lors du premier confinement, des apéros Zoom ou FaceTime. Enfin, une partie des personnes souffrant d'addiction se sont reportées sur l'alcool par nécessité. Les gros consommateurs de cannabis, par exemple, ont dû faire face à une pénurie de l'offre entraînant un doublement des prix. Certains en ont profité pour réduire leurs achats ce qui est plutôt une bonne chose. Mais d'autres ont cherché à compenser leur manque et se sont tournés vers l'alcool qui restait facile d'accès. En plein coeur de la crise, avez-vous réussi à maintenir un lien suffisant avec vos patients ? Il est vrai que nos patients souffrent de pathologies chroniques nécessitant un accompagnement de longue durée allant au-delà d'un simple traitement médicamenteux. Lorsque la première vague a frappé, nous avons eu le réflexe de mettre rapidement en place des consultations téléphoniques et des visioconférences. Ce n'était pas la solution parfaite : le suivi des patients s'est dégradé, on ne peut pas le nier. Mais je pense qu'on a évité que les gens ne s'effondrent trop. De leur côté, les pouvoirs publics ont réagi vite. Grâce à de nouveaux dispositifs, comme les ordonnances faxées, les patients dépendants à l'héroïne ont eu accès à leur traitement. Il n'y a donc pas eu trop de rupture de soins, ce qui était un enjeu majeur pour nous car les interruptions favorisent les rechutes et donc peuvent entraîner des overdoses. Malgré tout, le confinement a laissé des traces. Certaines personnes sont décédées. J'ai perdu par exemple deux jeunes patients pour cette raison. Le véritable impact du Covid sur les addictions se verra-t-il dans quelques mois ? On peut effectivement se poser la question. Lors de la première vague, les Français étaient sidérés. Mais certains ont vu le bon côté des choses. Ils en ont profité pour relire l'intégrale de Victor Hugo ou ranger leur appartement. Il y avait, à ce moment-là une volonté de solidarité commune, un sentiment d'appartenir à un groupe. Tous les soirs à 20 heures, les gens applaudissaient les soignants. Les apéritifs virtuels se multipliaient. Au téléphone, des patients nous disaient : "comment ça va, docteur ?" Ils prenaient de nos nouvelles ! A l'automne, en revanche, nous sommes entrés dans une phase plus morose, moins solidaire et plus solitaire. Les préoccupations sur l'avenir l'emportaient sur le reste. Dans ce genre de période, les risques de développer des addictions sont plus élevés. Par exemple, l'un de mes patients, anxieux de nature, a refait un épisode dépressif très sévère à force d'écouter des informations anxiogènes. Aujourd'hui, à l'hôpital, les gens viennent moins se faire soigner en raison du Covid. Il y a une forme d'attentisme y compris en matière d'addiction. Peut-être qu'on le paiera plus tard. Mais il est très difficile de le savoir. De manière générale, dans notre domaine, beaucoup de gens ne sont pas diagnostiqués. Et c'est particulièrement vrai pour les problèmes liés à l'alcool. Les consommateurs excessifs n'osent pas aller voir leur médecin traitant par peur d'être stigmatisés et surtout de devoir arrêter du jour au lendemain une substance dont ils sont dépendants. Selon des données américaines, 80% des personnes qui ont un problème avec l'alcool ne vont pas consulter ! Avez-vous déprogrammé le suivi de certaines personnes afin de vous concentrer sur les cas les plus graves ? D'une certaine manière, oui. Nous avons laissé de côté les addictions aux smartphones et aux écrans. Occupés par d'autres types de patients, nous avons moins pris le temps de les rappeler, de les solliciter. Malgré tout, certains arrivent jusqu'à nous car ils ont des comorbidités (autres addictions, problèmes d'anxiété, voire de dépression...). Limiter l'usage des écrans reste très compliqué dans la période actuelle car les gens sont enfermés chez eux. Peut-être que les effets d'une surconsommation d'écrans se feront sentir dans le futur. Mais il est vrai aussi qu'il y a beaucoup à faire avec la consommation de substances qui peut parfois se traduire par des violences physiques au sein de la cellule familiale. _________________ (Romains 8:31) Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?
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